L’IA au service de la rénovation énergétique à Bordeaux Métropole (33) : le projet STACOPTIM
À Bordeaux Métropole, le projet STACOPTIM réunit collectivités, bailleurs, bureaux d’études et start-up pour accélérer la rénovation des bâtiments publics et sociaux. Sa méthode ? Créer un jumeau numérique de chaque bâtiment, y appliquer des simulations via une IA frugale, et en déduire un plan de travaux optimisé. Porté par une logique coopérative, ce programme allie innovation, sobriété numérique et bon usage des fonds publics, au service de la transition énergétique locale.






Christophe Colinet, Chargé de Mission Métropole Intelligente chez Bordeaux Métropole

Ce projet est présenté par :
Christophe Colinet, Chargé de Mission Métropole Intelligente chez Bordeaux Métropole
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets numériques, data et IA sur votre territoire, Numérique360 part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
En quoi consiste concrètement votre projet de rénovation énergétique par l’IA et quels en sont les principaux objectifs ?
Le projet STACOPTIM – pour “Standardisation des Audits et des Comptages en vue de l’Optimisation de la Rénovation Énergétique des Bâtiments” – propose de révolutionner la manière dont les collectivités rénovent leur bâti public. Jusqu’à présent, les audits énergétiques aboutissaient à des recommandations manuelles, souvent peu comparées ou contextualisées. STACOPTIM change d’échelle en s’appuyant sur une vision globale.
Chaque bâtiment sélectionné est modélisé numériquement, instrumenté avec des capteurs (température, hygrométrie, consommation) et analysé via des algorithmes. L’intelligence artificielle frugale permet ensuite de générer des centaines, voire des milliers de scénarios de rénovation, simulant leurs coûts, leurs impacts énergétiques et leurs gains carbone.
Ce processus permet à la collectivité de choisir les travaux les plus performants, au meilleur rapport coût/efficacité. Et surtout, le système s’améliore dans le temps : chaque chantier achevé enrichit la base de données, affine les algorithmes, et rend les prévisions plus fiables.
Notre objectif, au final, est très clair : investir là où l’impact sera le plus fort, pour économiser l’énergie, réduire les émissions de CO₂ et améliorer la capacité d’autofinancement de la collectivité. Ce projet, qui concerne 54 bâtiments (20 publics et 34 sociaux), est à la fois un outil d’aide à la décision et un levier de transformation durable.
Comment le sujet s’est-il imposé à l’agenda de votre collectivité ?
La genèse de STACOPTIM est directement liée à la crise énergétique de 2022, consécutive à la guerre en Ukraine. Comme beaucoup de collectivités, Bordeaux Métropole a vu sa facture énergétique doubler en un an : de 16 à 30 millions d’euros rien que pour le chauffage des bâtiments publics.
Cette hausse brutale a révélé une contrainte structurelle forte : la capacité d’autofinancement de la Métropole dépend en grande partie de la maîtrise de ses dépenses de fonctionnement. Moins on maîtrise les coûts énergétiques, moins on peut investir. Ce constat a fait l’effet d’un électrochoc.
La Direction des bâtiments, avec les services en charge de l’approvisionnement énergétique, a rapidement pointé les limites du modèle classique audit-rénovation : rigide, lent, difficile à adapter aux réalités du terrain. Il devenait urgent d’identifier précisément les bâtiments les plus énergivores et les leviers d’action les plus efficaces.
STACOPTIM est donc né d’un besoin opérationnel clair, dans un contexte budgétaire contraint où chaque euro doit produire un impact mesurable. La volonté de piloter la transition énergétique de manière plus fine et plus stratégique a servi de déclencheur à cette démarche.
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?
Le point de départ est venu d’alertes internes : les équipes en charge de la gestion énergétique, accompagnées du bureau d’études thermiques DRIAS et du cabinet d’audit ÉNERLAB, ont proposé de repenser entièrement la méthode. Très vite, la start-up KOCLICO, spécialisée en intelligence artificielle, a rejoint la réflexion. Ensemble, ils ont posé les bases d’un modèle non technocentré, mais orienté « solution » : identifier le bon bouquet de travaux, au bon endroit, au bon moment.
Le projet a ensuite trouvé un écho favorable auprès de l’Écolab, le programme d’innovation du ministère de la Transition écologique, qui a incité Bordeaux Métropole à répondre à un appel à projets “Démonstrateurs d’IA frugale au service de la transition écologique des territoires” (DIAT) opéré par la Banque des Territoires.
Le consortium a été officiellement constitué en novembre 2023, réunissant cinq partenaires : Bordeaux Métropole, Domofrance (bailleur social), DRIAS, ÉNERLAB et KOCLICO.
Des échanges ont aussi été engagés avec d’autres collectivités innovantes, comme la ville de Noisy-le-Grand et son projet Récital. Là où STACOPTIM mise sur l’optimisation bâtiment par bâtiment, Récital adopte une logique budgétaire globale à l’échelle d’un patrimoine. Ces regards croisés nourrissent une dynamique d’apprentissage collectif, au cœur de l’innovation publique.
Y a-t-il des compétences ou sujets spécifiques à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ?
STACOPTIM mobilise un niveau d’expertise technique élevé, mais pas forcément en interne. L’énergie, la thermique, l’intelligence artificielle… tout cela relève de spécialistes, souvent issus de la recherche ou de l’ingénierie. Le vrai enjeu, pour une collectivité, c’est de savoir fédérer ces compétences autour d’un objectif commun.
Pour le porteur public, la compétence centrale est d’abord la coordination : savoir identifier les bons partenaires, leur faire confiance, et garantir une collaboration fluide. Il ne s’agit pas de devenir expert en rénovation énergétique ou en IA, mais de savoir piloter un projet complexe, à la croisée de plusieurs disciplines.
Si je devais vous le résumer, la principale compétence à avoir, c’est de faire fonctionner des expertises différentes autour d’un même cap. Je ne suis pas expert en bâtiment, mais je sais faire parler la donnée et faire avancer une équipe !
Quelles ont été les phases préparatoires du projet ?
Le projet a été lancé dans un délai restreint, avec une forte intensité de coordination en amont. Après l’identification du besoin métier début 2023, Bordeaux Métropole et ses partenaires se sont mis autour de la table pour définir la faisabilité du projet et répondre à l’appel à projets Démonstrateurs d’IA frugale au service de la transition écologique des territoires (DIAT) [appel à projets de l’Etat dans le cadre du programme France2030, et opéré par la Banque des Territoires] avec une date butoir au 7 novembre 2023.
Les préparatifs ont consisté tout d’abord à sélectionner les bâtiments les plus énergivores à instrumenter (20 du parc public, 34 en habitat social), prévoir les audits énergétiques nécessaires à la création des jumeaux numériques puis organiser la pose de capteurs de température, d’humidité, de consommation énergétique.
Nous avons ensuite lancé un marché pour le déploiement d’un réseau LoRa couvrant la métropole, afin de centraliser les données en temps réel et il a fallu structurer les phases de mesure et de vérification post-travaux.
L’objectif consistait à disposer de premières données d’hiver dès 2025 pour alimenter les simulations, et tester dès la première vague de rénovation les capacités de prédiction du modèle.
Comment avez-vous assuré le bon dimensionnement du projet ?
Le dimensionnement s’est fait en étroite collaboration avec la Direction des bâtiments, experte du patrimoine public, et Domofrance pour le volet habitat social. Ces deux acteurs ont permis d’identifier les bâtiments les plus énergivores et les plus représentatifs en termes de typologie.
L’approche a été pensée pour rester réaliste et transposable : 54 bâtiments au total, assez variés pour alimenter un modèle d’IA pertinent, mais en nombre limité pour rester pilotable dans le cadre d’un projet triennal. Chaque site est sélectionné non seulement pour ses caractéristiques énergétiques, mais aussi pour son accessibilité aux capteurs, son taux d’occupation, et sa pertinence en tant que “cas d’école”.
Cette sélection raisonnée permet d’expérimenter à la fois la méthode, les outils, et la collaboration inter-acteurs, tout en préparant une éventuelle montée en puissance future
Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles ont été les aides sollicitées/obtenues ?
Le projet STACOPTIM a été financé via une subvention dans le cadre de France 2030 [STACOPTIM est lauréat de l’appel àprojets Démonstrateurs d’IA frugale au service de la transition écologique des territoires (DIAT) opéré par la Banque des Territoires]. Le budget global du projet s’élève à 5,4 millions d’euros sur trois ans.
Bordeaux Métropole, en tant que chef de file, bénéficie d’un financement à hauteur de 50 % de ses dépenses, tandis que le bailleur social Domofrance, partenaire clé du projet, est subventionné à 40 %. Chaque membre du consortium a préparé son propre plan de financement, intégré au budget prévisionnel annuel de sa structure.
La métropole a ainsi inscrit 2 millions d’euros au budget 2024 pour STACOPTIM, avec 1 million couvert par la subvention, l’autre mobilisé en propre. Ce montage financier, équilibré et anticipé, a été validé par les élus grâce à un travail d’explication et de conviction auprès des décideurs politiques.
Quels sont les autres acteurs qui vous ont accompagnés dans la préparation?
STACOPTIM repose sur un consortium public-privé associant cinq partenaires complémentaires : Bordeaux Métropole, porteur du projet et pilote de la coordination générale; Domofrance, bailleur social chargé de 34 bâtiments expérimentaux ; DRIAS, bureau d’études thermiques spécialisé en rénovation ; ÉNERLAB, cabinet d’audit énergétique et KOCLICO, start-up experte en intelligence artificielle frugale et modélisation.
À cela s’ajoute un chef de projet dédié, recruté en septembre 2024, chargé d’assurer la liaison entre partenaires et le suivi opérationnel quotidien.
La collaboration s’organise autour d’une “core team” mêlant profils techniques, métiers et innovation. Ce mode de travail en réseau, non fondé sur un appel d’offres classique mais sur une entente contractuelle et stratégique, constitue l’un des éléments les plus novateurs du projet.
Quels conseils donneriez-vous à un élu qui souhaiterait se lancer dans un projet similaire ?
Un projet comme STACOPTIM fonctionne seulement s’il s’inscrit dans une logique ancrée dans le réel, par exemple en réponse à un besoin métier clairement exprimé. À Bordeaux, l’initiative est née d’une demande urgente de la Direction des bâtiments, confrontée à l’explosion des coûts énergétiques. C’est cette légitimité métier, directe et concrète, qui a permis de mobiliser rapidement les bons interlocuteurs et de construire un projet sur mesure, au service d’un enjeu prioritaire.
Mais pour que ce type d’innovation puisse aboutir, il faut un fort appui politique. À Bordeaux, l’engagement de Delphine Jamet, Conseillère municipale chargée du numérique a été décisif : elle a porté le projet auprès de l’exécutif, défendu les financements nécessaires et permis de dépasser certains blocages internes. L’innovation publique, surtout lorsqu’elle mobilise de nouveaux partenaires et des méthodes inédites, nécessite un cadre politique assumé.
En somme, il est important de ne pas chercher à tout faire seul. Pour piloter un tel projet, il faut avoir l’habileté de faire coopérer des compétences très diverses, issues du public comme du privé. Le rôle de la collectivité est alors de fédérer, d’articuler les expertises, et de créer un espace de travail commun. C’est cette posture qui permet d’avancer, même dans un contexte d’incertitude.
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Le projet en détails
Dates clés
Début 2023
Juin 2024
Automne 2024
2025
Chiffres clés
5,4
54
1000
À retenir
Une dynamique nouvelle en facilitant la collaboration entre les directions au sein de la collectivité et avec les partenaires publics et privés
Le projet est devenu un point de contact avec d’autres territoires, avec des institutions comme le Trésor public, et même à l’échelle européenne
Il a fallu du temps pour que des profils très différents – agents, ingénieurs, chercheurs – apprennent à se comprendre et à fonctionner ensemble
Ressources
Les partenaires de ce projet

Domofrance
Les acteurs de la filière data / numérique / IA impliqués dans ce projet
Bordeaux Métropole
Nombre d'habitants
Communes
Données de contacts
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