Jérôme Cortinovis est ingénieur innovation et partenariat chez Atmo Normandie, association chargée de la surveillance de la qualité de l’air. Dans le cadre du programme de la Métropole « Rouen Mobilités Intelligentes pour tous » lauréat de l’appel à projets « Territoire d’Innovation Grande Ambition », il nous présente le fonctionnement et les conditions d’installation d’un capteur de qualité de l’air. Il aborde aussi comment l’analyse de ces données peut permettre la mise en œuvre de politiques de mobilité durable.
La pollution de l’air, un enjeu de santé publique
Particules fines, dioxyde d’azote… la présence des multiples polluants dans l’air est un enjeu majeur. L’organisme Santé Publique France a indiqué lors d’une étude parue en 2021 que la baisse de pollution atmosphérique pendant le premier confinement en 2020 a permis d’éviter 3 500 décès prématurés.
« Tôt ou tard, les élus se retrouveront confrontés à ce sujet. Anticiper les problématiques de qualité de l’air dès aujourd’hui permet à la collectivité de mieux se préparer face à ce défi. »
Véritable problème public, les instances nationales et européennes enjoignent les territoires à agir. En octobre dernier, c’est le Conseil de l’Union européenne qui a adopté une directive fixant de nouvelles normes en matière de pollution de l’air. Celle-ci rendra les normes règlementaires actuelles en termes de qualité de l’air plus stricte. En effet d’ici 2030, les valeurs limites devront se rapprocher des seuils maximaux recommandés par l’Organisation mondiale de la Santé. Toujours selon la directive, l’utilisation des outils de modélisation pour cartographier la concentration de polluants devra être élargie.
Quel est le rôle d’un capteur / détecteur de qualité de l’air ?
Le rôle d’un capteur de qualité de l’air est de mesurer et d’analyser les concentrations de différents polluants présents dans l’atmosphère. Ces capteurs permettent de collecter des données en temps réel et aident à identifier les zones à risque, à suivre l’évolution de la pollution. Au-delà de l’aspect règlementaire, ces données sont essentielles pour les collectivités pour ajuster les politiques environnementales, mettre en place des dispositifs de prévention et informer les citoyens.
« L’objectif est aussi de donner des informations supplémentaires aux territoires pour piloter sa mobilité » »
Comment fonctionnent les micro-capteurs et où les installer ?
Pour étudier la qualité de l’air sur le territoire normand, ATMO Normandie développe depuis octobre 2020 un outil qui cartographie les données en temps réel. Aujourd’hui, pour mesurer l’ensemble des polluants et des particules fines, une trentaine de mini-capteurs sont implantés au sein du territoire. Ils sont disposés de manière fixe sur le mobilier urbain de la métropole, notamment au niveau d’éclairage public ou de feux routiers. En 2027, un réseau de 50 mini-stations devrait être déployé sur l’ensemble du territoire normand.
Comment articuler qualité de l’air et politiques publiques en France ?
Prendre en compte les enjeux de santé publique, c’est aussi un moyen de repenser certaines politiques mises en place sur son territoire. C’est notamment le cas pour la Métropole de Rouen qui a commandé une étude de la qualité de l’air à ATMO Normandie afin d’améliorer le pilotage de ses mobilités. En 2022, l’association avait ainsi produit une évaluation de l’impact de la ZFE dans l’agglomération rouennaise. Un autre exemple ? Le prochain schéma SCOT-PCAET de la Métropole, en cours d’élaboration. Là aussi l’expertise d’ATMO Normandie prend tout son sens.
« L’idée est de voir s’il y a des synergies entre les différentes actions. Par exemple, en matière de réduction des gaz à effet de serre, la Métropole encourage le développement du chauffage à bois, moins émissif. En revanche cette solution n’est pas optimale et peut avoir une incidence néfaste pour la qualité de l’air notamment avec l’émission de particules fines » indique Jérôme Cortinovis.
Mettre en place une politique publique concertée par la sensibilisation
ATMO Normandie propose des ateliers participatifs afin de sensibiliser les citoyens aux enjeux de la qualité de l’air. Le principe ? Pendant une heure, les habitants discutent du sujet avec les animateurs de l’association. Ils repartent pour 15 jours avec des micro-capteurs et font leurs propres expérimentations. S’organisent ensuite la restitution et une analyse des résultats. C’est aussi l’occasion de parler des bons gestes que ce soit sur des questions d’aération ou de mobilité.
« Un représentant de la collectivité participe aux ateliers pour échanger avec les habitants sur des politiques publiques essentielles, comme la ZFE. »
Depuis le début de cette démarche, une quinzaine de sessions ont été organisées, soit un total de 200 personnes sensibilisées. Depuis 2023, des ateliers sont également programmés dans certaines écoles de la métropole rouennaise à travers le parcours pédagogique « L’air à la loupe ». Les élèves explorent les thématiques de pollution atmosphérique et intègrent pas à pas des connaissances sur les enjeux d’une qualité de l’air optimales
Quelles étapes pour améliorer la qualité de l’air extérieur dans votre collectivité ?
- Rapprochez vous de votre ATMO locale pour vous faire accompagner au niveau de l’ingénierie, de l’expertise.
- Définir vos besoins : qu’il s’agisse de mesures ou de sensibilisations du public, les microcapteurs sont différents.
- Trouver des subventions : plusieurs instances proposent des aides financières autour de ces projets (votre département, votre région, l’ADEME, l’ANR par exemple).