Si l’intelligence artificielle peut enrichir certains services proposés aux citoyens, il faut cependant rester vigilant sur la confidentialité de leurs données personnelles, l’éthique des algorithmes et leur impact sur l’environnement.
Une collectivité engagée dans sa transformation numérique peut-elle faire l’impasse sur les bénéfices de l’intelligence artificielle en général, et de l’IA générative en particulier ? Probablement pas. Mais se lancer dans un projet IA nécessite une acculturation des équipes en charge du projet et doit anticiper les réticences potentielles de certains citoyens face à l’IA. Comment concilier ces contraintes ?
Comment utiliser l’IA pour renforcer sa relation au citoyen ?
Les citoyens attendent des services plus disponibles, plus accessibles et qui leur apportent davantage de valeur. Pour la collectivité, un des objectifs est d’optimiser ses ressources humaines, en les déchargeant notamment des tâches à faible valeur ajoutée. Les chatbots font partie des outils qui cochent ces cases.
Pas d’IA sans data de qualité. Avant de se lancer dans la programmation, il faut d’abord cartographier toutes les données dont dispose la collectivité, car elles alimenteront les applications basées sur l’IA. Cela inclut les données produites par les différents métiers de la collectivité : eau, électricité, déchets, mobilité, voirie, etc… On peut y ajouter des données publiques : Insee, Météo, etc… Une mise en commun et un “nettoyage” de ces données constituera une base d’informations homogène, nécessaire au fonctionnement des futures applications IA.
Pas d’application IA pour le citoyen sans éthique. Lors de l’entraînement des algorithmes (machine learning), il faut surveiller l’apparition potentielle de biais cognitifs, généralement dus à des jeux de données partiels, afin d’assurer aux citoyens un traitement équitable de leurs requêtes. Enfin, si certaines applications utilisent des données sensibles, voire des données à caractère personnel, il faut être très rigoureux sur la protection et la sécurité de ces données. Ce dernier point peut infléchir le choix de l’hébergement des applications et des données au profit de solutions souveraines.
Quels sont les bénéfices potentiels attendus de l’IA ?
Pour la collectivité : contribuer à améliorer l’efficacité des processus métier avec de meilleurs outils d’aide à la décision s’appuyant sur un champ de données plus large. Avec des modèles prédictifs, l’IA peut permettre aux métiers d’anticiper les risques et de réduire les coûts de remédiation (anticipation des crues, réduction des fuites d’eau du réseau d’acheminement, optimisation des collectes de déchets, etc…). L’IA peut aussi aider à traiter certaines tâches administratives complexes, telle que l’instruction des dossiers d’aide sociale des départements.
Pour les citoyens : l’IA générative au sein des applications de services aux citoyens va apporter davantage de fluidité dans les interactions. Via des chatbots, par exemple, le citoyen pourra formuler ses demandes d’information ou de documents administratifs en langage naturel. L’application le guidera dans ses démarches et lui donnera des réponses adéquates. C’est un outil puissant pour satisfaire les citoyens encore récalcitrants devant les services en ligne.
Quels sont les moyens à mettre en place ?
Moyens humains
La réussite d’un projet d’IA nécessite une vision transverse au sein de la collectivité, en intégrant toutes les branches métier ainsi que les experts informatiques, voire une représentation des citoyens dans la mise en place d’applications IA leur étant destinées. La mise en place d’un « Comité IA » apportera une gouvernance transverse et une vision unifiée des projets IA à déployer.
Un des premiers objectifs du comité est de diligenter une cartographie des sources de données existantes au sein de la collectivité, ainsi que des données pertinentes pouvant être utilisées au sein de sites Open Data externes.
Moyens techniques
De nombreuses applications IA sont déjà disponibles. Elles permettront aux équipes techniques de développer des maquettes de faisabilité sur les premiers cas d’usage identifiés. Nombre de ces applications étant hébergées sur des sites extra-communautaires, il faudra être vigilant sur la sensibilité des données (y compris pour l’entraînement des algorithmes) qui seront donc transférées hors de l’UE. Pour mener à bien ces maquettes, puis les projets IA, il faudra disposer de compétences techniques dans le domaine des données (data scientist, data manager…) et de développeurs familiarisés avec le codage d’applications IA.
Moyens financiers
Lors de la phase de maquettage, le plus simple est de recourir à des applications IA accessibles en mode SaaS (sous réserve du niveau de sensibilité des données échangées), ce qui ne requiert pas d’investissement particulier. Sur l’aspect données, et la mutualisation des données existantes au sein de la collectivité, en fonction des volumes il peut être souhaitable de construire un réservoir de données (data lake) qui standardisera le format et centralisera toutes ces données pour que les data scientists puissent créer de la valeur à partir de cette mine d’informations.
Lors du passage en production de ces applications, le besoin de souveraineté des applications et des données peut nécessiter un investissement supplémentaire. La collectivité peut souhaiter héberger ses données elle-même, ou bien auprès d’un prestataire de confiance (comme un fournisseur de services cloud souverain agréé SecNumCloud). Si les données ne sont pas jugées sensibles, il est possible de poursuivre les développements en mode SaaS, moyennant les frais de fonctionnement résultant des abonnements logiciels auprès des éditeurs, et des coûts d’acheminement des données avec ce ou ces éditeurs.
Quelles sont les étapes de mise en œuvre ?
Étape 1 – Constituer une équipe projets IA : équipe transverse entre IT et Métiers, qui assurera la gouvernance et le suivi.
Étape 2 – Identifier des cas d’usages métier : solliciter des propositions des Métiers, des agents et des citoyens pour constituer une liste de suggestions, qui apporteront de la fluidité, de la valeur métier et des fonctionnalités utiles pour les citoyens et usagers.
Étape 3 – Inventorier les champs de données disponibles, leur confidentialité : il faut mettre en commun les données déjà disponibles au sein des métiers. Il faut ensuite standardiser le format de ces données disparates pour les mettre à disposition au sein d’un répertoire commun, et les rendre accessibles via des interfaces de programmation (API). Cette phase doit aussi identifier les sources de données externes, utiles pour compléter les données internes.
Étape 4 – Sélectionner un ou 2 projets pour développer une maquette IA. Parmi la liste constituée préalablement, choisir deux maquettes simples et rapides à réaliser pour démontrer la valeur ajoutée par l’IA, par exemple avec un chatbot génératif.
Étape 5 – Valider le respect des engagements : s’assurer de l’explicabilité des algorithmes, de l’absence de biais cognitifs et de la confidentialité des données utilisées par l’algorithme.
Étape 6 – Déployer en production, et lancer de nouveaux projets : choisir la solution d’hébergement des algorithmes et des données conforme à la politique de la collectivité. Privilégier les solutions cloud (privé ou public selon les cas) pour pouvoir absorber les pics de charge sans impact sur la qualité de service rendue aux utilisateurs. Envisager d’autres projets IA plus complexes pour atteindre d’autres objectifs.
Comment mesurer la réussite de l’action ?
- Mesurer l’attractivité des services IA avec des enquêtes quantitatives et de satisfaction ;
- Mesurer le taux d’utilisation des données de la collectivité ;
- Quantifier les économies réalisées par les métiers.